Depuis le vote de la loi DADVSI du 1er août 2006 qui a consacré les mesures techniques de protection des oeuvres et le test des trois étapes en droit français, plusieurs voix se sont élevées pour mettre en garde contre la réduction inquiétante du domaine de la copie privée et ses conséquences sur l'avenir de cette exception au monopole conféré par le droit d'auteur et les droits voisins. Le débat portant sur la nature de la copie privée - droit ou exception - semble désormais révolu : la copie privée est une simple exception et pas un droit reconnu aux consommateurs. Il n'en reste pas moins que le législateur doit s'assurer de l'application effective des exceptions au monopole, en ce qu'elles garantissent un équilibre souhaitable entre auteurs et consommateurs d'oeuvres de l'esprit.
Ainsi, a été créée au début du mois d'avril dernier l'Autorité de régulation des mesures techniques en vue d'assurer l'équilibre des intérêts entre consommateurs et titulaires de droits. Cette dernière aura pour principale mission de garantir le bénéfice de l'exception pour copie privée, et de veiller à l'interopérabilité des mesures techniques. Du fait de sa jeunesse, cette autorité n'a pas encore, du moins à notre connaissance, tranché des questions importantes ou pris des positions claires en faveur du maintien d'un certain niveau de copie privée pour les consommateurs. Elle a cependant le mérite d'exister.
Dans ce climat d'incertitude où la copie privée a de plus en plus de mal à faire face à la démultiplication des moyens de contrôle des titulaires de droits, producteurs en premier lieu, la Commission chargée de déterminer le niveau de rémunération des créateurs sur les supports vierges pour le manque à gagner subi du fait des copies privées de leurs oeuvres effectuées par les consommateurs (ce qu'on appelle la "taxe pour copie privée"), vient d'élargir le champ des appareils auxquels cette taxe est applicable. Créée avec la loi de 1985, cette rémunération visait tout d'abord les CD's et les cassettes VHS vierges, puis les DVD et même, depuis 2001, certains supports comme les lecteurs mp3. Jusqu'ici tout allait presque bien mais depuis quelques jours, la Commission a imposé une nouvelle redevance sur les clés USB, les disques durs externes et les cartes mémoires. Et là les choses se gâtent...
Pourquoi ce regain de tension? Tout d'abord parce qu'il est difficilement soutenable de mener à la fois une lutte contre la copie privée en multipliant les moyens de la réduire à néant tout en élargissant l'assiette de sa rémunération. Ensuite, au-delà des divergences entre les membres de la Commission (titulaires de droits qui perçoivent la rémunération v. fournisseurs et consommateurs qui s'en acquittent - voir pour un exemple de cette divergence les interviews publiées sur LCI.fr ), une question de concurrence se pose de manière évidente : le niveau de la rémunération pour copie privée en France est un des plus élevés d'Europe et il est supporté par les fournisseurs, qui le reportent sur les consommateurs. Les distributeurs de supports vierges se retrouvent ainsi dans l'impossibilité de lutter contre les prix de vente imbattables pratiqués par des sites Internet situés dans des pays où la taxe pour copie privée est moins élevée. Pour couronner le tout, ces mêmes distributeurs ne sont pas invités à siéger à la Commission afin d'y faire valoir leurs arguments, ce qui renforce leur frustration.
Des solutions ? Comme le propose Thierry Desurmont, vice-président du directoire de la SACEM, "il faudrait réfléchir à une rectification de la loi pour que ce ne soit pas les consommateurs mais les sites qui leur vendent des supports vierges qui paient la rémunération". Cette solution est sympathique en théorie mais difficile à mettre en pratique, le contrôle de tous les points de vente sur Internet étant particulièrement fastidieux. Par ailleurs, modifier la loi française ne serait, à notre avis, que d'une efficacité limitée, une harmonisation européenne des règles applicables étant beaucoup plus efficace, même si le problème des sites extra-communautaires se posera toujours. Ces pistes sont à explorer, espérons qu'elles le seront vraiment et que le législateur ne se contentera pas d'augmenter la taxe pour copie privée sans réellement prendre le temps d'analyser les conséquences d'un tel acte.
Les niveaux de rémunération fixés par la commission (source : LCI.fr)
Ces nouveaux prélèvements prendront effet lorsqu'ils seront publiés au Journal Officiel, a priori début juillet.
Clés USB
* 512 Mo : 15 centimes
* 1 Go : 23 centimes
* 2 Go : 36 centimes
* 10 Go : 1€30
Cartes mémoire
* 512 Mo : 7 centimes
* 1 Go : 9 centimes
* 2 Go : 18 centimes
* 10 Go : 62 centimes
Disques durs
* 80 Go : 4€77
* 160 Go : 6€44
* 320Go : 9€16
* 1000Go (1 téraoctet) : 20€
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire