mardi 6 mars 2007

Durée de protection du droit d'auteur : 70 ans, prolongations de guerre comprises !

La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu, mardi 27 février 2007, deux arrêts importants relatifs à la durée des droits d'auteur et des droits voisins. Les deux contentieux posaient aux magistrats la question du régime des prolongations de guerre : sont-elles comprises dans la durée légale de protection ou au contraire cumulables à celle-ci ?

Cette durée de protection, prévue par la
loi n° 97-283 du 27 mars 1997, qui a transposé en droit français la directive n° 93/98 CEE du 29 octobre 1993 (relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins), a été fixée à 70 ans après la mort de l'auteur (article L.123-1 CPI) et à 50 ans à compter du 1er janvier de l'année civile suivant celle de l'exécution de l'interprétation pour l'artiste-interprète (article L.211-4 CPI).

1. - La première affaire (arrêt n° 280) opposait l'ADAGP (Société des auteurs des arts graphiques et plastiques) à la société d'édition F.H. L'ADAGP avait assigné la société F.H en contrefaçon, "lui reprochant d’avoir reproduit, sans autorisation, dans ses ouvrages, les oeuvres de Claude Monet dont la gestion des droits patrimoniaux d’auteur lui a été confiée". En se basant sur l'article 16 III de la loi du 27 mars 1997, l'ADAGP soutient dans son pourvoi que "les dispositions de cette loi allongeant la durée de protection ont pour effet de faire renaître les droits sur les oeuvres tombées dans le domaine public avant le 1er juillet 1995 s’ils étaient encore protégés à cette date dans au moins un autre Etat membre de la Communauté européenne". Les oeuvres de C. Monet étant encore protégées en Allemagne à la date du 1er juillet 1995, les avocats de l'ADAGP concluent au possible cumul des prolongations de guerre (article L. 123-8 CPI), non expressément abrogées par la loi du 27 mars 1997, à la durée de protection légale des oeuvres.

2. - Dans la deuxième affaire (arrêt n° 281), l'ADAGP avait assigné la société Canal Plus publicité, la société de production et de promotion de spectacles artistiques et sportifs (SPPS) et la société EMI Music France en contrefaçon, "leur reprochant d’avoir reproduit, sans autorisation, sur les affiches et le matériel publicitaire du spectacle "Verdi, une passion, un destin", représenté à Paris, les 9 et 10 mars 2001, ainsi que sur les pochettes des disques réalisés à cette occasion, un portrait du compositeur Verdi peint par Giovanni Boldini décédé le 11 janvier 1931, dont elle assure la gestion des droits patrimoniaux". Les arguments développés au soutien de ce pourvoi étaient très similaires à ceux de la première espèce.

La Cour de cassation, sur la base du préambule de la directive du 29 octobre 1993, va clairement écarter la possibilité d'ajouter les prolongations de guerre à la durée légale de protection au motif que "la période de 70 ans retenue pour l’harmonisation de la durée de protection des droits d’auteur au sein de la Communauté européenne couvre les prolongations pour fait de guerre, hormis les cas où au 1er juillet 1995, une période de protection plus longue avait commencé à courir, laquelle est alors seule applicable". Ce principe est clair et présente l'avantage de couper court à la tendance, d'origine américaine, d'allongement de la durée des monopoles. Le droit d'auteur mérite une protection efficace mais il ne faut pas négliger la place du domaine public, garant de l'équilibre des intérêts.

Pour information, la directive du 29 octobre 1993 ayant connu des modifications importantes au cours des dernières années, il convenait, pour des raisons de clarté et de rationalité, de les codifier. C'est chose faite avec la récente directive n° 2006/116/CE du 12 décembre 2006 relative à la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins.

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